-Et après qu’est ce qu on aurait fait?
-Rien, rien du tout. On aura vu l’homme dans toute son obscurité
-Et pour sauver la mise ? Qu’est ce qu’on fera?
-Rien, rien du tout. J’aurais pu te dire qu’il y a des liens bien plus profonds que ça entre les hommes. Mais j’suis pas inspirée
-Ca veut dire quoi inspirer?
-Ca veut dire s’asseoir quelque part et attendre que le vent fasse bouger quelque chose.
-Et si il n’y a pas de vent?
-Alors, tu n’es pas inspiré
-T’es sorti avec beaucoup de monde?
-Non.
-Pourquoi?
-J’avais la flemme de faire des efforts pour être belle. J’avais la flemme d’essayer de parler sérieusement.
-Pourtant, t’as tout ce qu’il faut.
-... Une fois je suis sortie avec un artiste. Ca n’a pas fait long feu.
-Pourquoi?
-Je parlais d’amour, il me parlait de cinéma
-L’autre jour, j’ai rêvé.
-Ouai
-Tout le monde était heureux. Dans mon rêve, y avait pas de souffrance. Je crois même que dans ce rêve là, le mot souffrance n’existait pas.
-Ouai
-La nuit je rêve dans mes rêves et la journée, je cauchemarde ma vie.
-Pas mal
-Qu’est ce que tu voudrais faire plus tard?
-Rien
-Rien?
-Oui. Quand j’étais petit j’ai répondu ça. Depuis j’ai toujours porté le bonnet d’âne et le nez rouge du clown.
-Juste avec un "Rien"?
-Un rien et quelques heures de colle, des bagarres et des fautes d’orthographes.
-Et du coup, tu veux toujours rien faire de ta vie?
-Je fais des choses mais à ce qu’il paraît c’est pas utile pour la société. Je suis un incompris.
-Une fois je suis tombée amoureuse de mon meilleur ami. J’ai jamais autant souffert de ma vie.
-Tu diras ça à la bande de skyzophrènes en couche culotte qui chopent le complexe d’Oedipe.
-Moi. Je commence toujours mes phrases par "moi". Ca m’énerve mais je vois pas de qui d’autre parler.
-En même temps, quand on parle de quelqu’un d’autre. C’est soit par amour , soit pour en dire du mal.
-Moi, je préfère que ce soit pour en dire du mal.
-Ma grand mère appelait les w.c des watters. Ca m’a toujours intriguée.
-Ca te fait quoi d’être roux?
-Et moi, je te demande ce que ça te fait d’être arabe?
-Ta gueule.
-Y’a un truc que j’ai jamais compris dans les films.
-...
-Tu vois les scènes où la meuf sort son petit pot de glace pour se remonter le moral après une rupture?
-Oui
-Bah quand j’essaye de faire pareil, ça marche pas
-En même temps c’est un peu cucu comme truc
-Ouai peut être mais de mon côté, c’est surtout que j’ai pas de congélo
-Ca se défend comme idée
On vit dans un monde de merde. Ces derniers temps j’ai de plus en plus l’impression qu’il n’est pas fait pour moi. Je veux dire j’arrive pas à suivre. J’emmerde les familles heureuses, les amoureux comblés, les potes pour la vie. Des conneries qui ne tiennent pas plus longtemps que le soleil et un ciel bleu à Dunkerque. Mais la guerre ça c’est quelque chose de concret qui peut durer une éternité. Au fond de nous, nous sommes tous noirs. Je comprends les criminels, les pédophiles, les violeurs, les voleurs. Les dictateurs. Ils n’ont pas de tares. C’est nous le réel problème. On vit en s’inventant une vie. En prétendant que tout va bien. On va chez un psy quand tout explose. Parce qu’en fait, quand ça va pas, quand ce petit coin obscure qu’on dissimulait aux yeux de tous prend le dessus, tout le monde tourne le dos. Les amis c’est pas pour la vie. L’amitié s’en va avec le premier connard venu et ne revient jamais. On n’a pas d’amis. Ne parlons pas de l’amour. L’amour s’en va aussi avec le premier connard venu. Comme si on essayait de se punir de quelque chose. Se faire du mal pour se faire du bien. Tu parles d’une philosophie.
Ces derniers temps j’ai souvent envie de me fouttre en l’air. Je pense à mes amis qui m’ont déçu. Je pense à mon copain qui a brisé mes derniers espoirs en amour. Je pense à mon pays où les abrutis n’arrivent pas à cohabiter. Je pense surtout à ma mère et à ses anti-dépresseurs. Je pense à tous ces mots méchants qu’elle me dit sans le vouloir, parce que forcément elle ne va pas bien. Alors je raccroche le téléphone et j’essaye de mener une vie normale. Je me bats contre mes démons. J’observe un monde qui va de travers. Des fois, j’essaye de l’arranger. Mais c’est dur. Et comme tout le monde me tourne le dos, je me dis que ça doit être moi le problème.
La nuit je rêve d’un monde en couleur. C’est con à dire mais les couleurs me frappent de plein fouet. Je me réveille dans un grand lit. Seule, pas comme avant. Un vestige du temps. J’ai l’impression d’être une pièce antique dans le musée de ma petite vie. Y’a des ressort qui me rentre dans le ventre. A une époque, j’ai du trop les user.
La nuit des fois, je crie mais aucun son ne sort de ma bouche. Je me réveille en sueur et mal dans ma peau. Je reste des heures sans sortir à écouter la vie qui passe sous ma fenetre. Je regarde le mur fixement. Je mets des chansons pourries pour m’aider à pleurer. Peut être que ça passera. Mais mes yeux font grève. Et devant ce mur, j’attends que la vie passe. J’attends que demain soit un jour meilleur…
Avant j’étais amoureuse du prophète. C’était mon superman à moi. A vrai dire j’avais développé quelques petits fantasmes à son propos. Je vivais ses exodes comme des péripéties. Je lui parlais avant de dormir. Je lui demandais d’avoir au moins neuf sur dix en dictée. J’ai même passé un pacte avec Dieu. Je lui avais dit que j’arrêterai de regarder la grandeur du ciel parce que j’avais peur de le déranger. Je lui avais dit que j’arrêterai de regarder la grandeur de son oeuvre si toute ma famille et même mon chien se retrouvaient avec moi au paradis après la mort.
Voilà pourquoi pendant deux ans, j’ai arrêté de lever les yeux au ciel.
Parfois, je me réveillais en pleine nuit, terrifiée par des cauchemars peu communs. Je récitais la fetha avant de me rendormir. Ca me rassurait.
En grandissant, j’ai remplacé le prophète par Emile Zola et Diderot. Assez étrange comme concept. Mais eux au moins, savaient parler de choses que je pouvais sentir et percevoir.
Et puis, Dieu m’a déçue parce qu’il ne tenait pas ses promesses. Parce que ma famille devenait de plus en plus triste. Parce que j’ai du commencer à jouer un rôle. Parce que le froid des lames de couteau ne me faisait plus peur. Parce que mes cicatrices ne partaient pas avec le temps.
Avoir les pieds sur terre était trop dur alors j’ai levé les yeux au ciel. C’est bizarre de zapper le ciel de sa vie pendant quelque temps. Ca parait impossible à faire quand on y pense, pourtant je l’ai fait.
Et maintenant, la tête en plein dans le ciel, je pense. Tout le temps. En non stop. Je pense comme si ma vie en dépendait. Je me parle trop. Je me trouve trop bavarde. Avant de dormir je pense à la vie, l’univers et le reste.
Dans un futur lointain, des familles, plus ou moins d’humains, viendront contempler la vie des êtres primitifs que nous étions. Je me dis que croire que le vingt et unième siècle est moderne, c’est bien une faute de langage. Le mot moderne ne devrait pas encore existait. Le mot moderne n’aurait jamais du exister. Je suis persuadée qu’un jour la terre finira par imploser ou que l’homme finira par s’entretuer au nom du grand Dieu et qu’à des milliers d’années lumières d’ici, on s’en tapera totalement.
De toute façon, à des milliers d’années lumières d’ici, on ne sait pas qui est Dieu. Et si on le sait, alors ça voudrait dire qu’il nous a laissé tomber. Qu’il n’aime pas sa création de sept jours. Qu’il a réussi à créer des hommes fait d’acier pour oublier le fiasco de la fragilité de l’argile.
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Elle savait qu’elle avait ses défauts et que parfois, il était dur pour les autres de la suivre. Elle avait ses délires et son petit monde. Mais elle faisait tous les efforts possibles pour que son petit monde tienne droit. Elle faisait tout son possible pour voir le sourire sur les visages de ceux qu’elle aimait. Quand elle était petite sa mère se plaignait souvent "Celle-là préfère ses amis à sa famille" A cette époque là, la famille exigeait qu’elle soit parfaite, les amis l’acceptaient avec son vrai visage. Il n’y avait pas de violences verbales, pas de mots méchants. Il y avait juste de la sincérité dans ce qu’ils entreprenaient. Un jour d’adolescence, elle se perdit dans un monde qui n’était pas le sien. Elle s’y plut pendant un petit moment. Pourtant au fond d’elle, elle avait toujours su que ça ne durerait pas et qu’elle ne les ferait pas rire éternellement. La fofolle du groupe, c’est ce qu’il fallait qu’elle soit. Après tout, il y avait déjà la sexy, la belle, la rigolotte et la maman. Elle ne pouvait prétendre entrer que dans cette case là : la fofolle.
Que se passerait-il quand elle arrêtera faire le pitre ? Quand elle arrêtera d’être la fofolle du groupe ?
Cette question a envahit son esprit pendant des années. Des années au cours desquelles, elle se déguisait. Elle savait que sous son masque, personne ne pouvait prétendre la connaître. Elle se camouflait, redoutant que ce terrible moment n’arrive.
Elle lisait la conversation qui défilait le long de son écran. Essayant de se mettre en posture de Yoga pour calmer les battements de son coeur, elle songeait : "Peut être que quelqu’un il y a très longtemps avait décidé que cela se terminerait ainsi."
Elle fit un copié coller pour ne jamais oublier ce moment où un poignard se tenait enfoncé profondément dans sa poitrine. Elle fit un copié coller pour ne jamais oublier la douleur, la trahison puis la haine. Une chose était sûre : 2011 était définitivement une année merdique. Après avoir pleurer, elle décidait qu’il était grand temps de passer à autre chose. Elle n’avait plus dix huit ans et ces conneries de lycée, elle n’en avait pas besoin.
Mais ses yeux traînaient toujours sur la discussion et tout d’un coup, relisant le tout, elle s’exclama "Merde, qu’est ce qui ne va pas avec mon surnom?"
Elle s’allongea, fixant fortement le mur en face d’elle. Qu’allait-elle faire maintenant ? Tony Soprano, entouré de sa famille, la regardait avec insistance. "Sois proche de tes amis mais encore plus proche de tes ennemis".
-"Finalement, je suis comme toi. Une pauvre nana perdue dans un monde qui n’est pas le sien"
Puis, elle explosa de rire. Elle se rendit compte du ridicule de la situation. Elle parlait à un personnage de série sur un poster.
Elle se releva, chercha son paquet de clopes. Un homme mourrait du cancer sur l’emballage. "Vaux mieux mourir d’un cancer jeune que de savoir que ses amies sont de parfaites conasses" pensa-t-elle l’espace d’un instant. Pas de briquet en vue, elle alla allumer les plaques chauffantes. Et debout, elle attendait que la cigarette s’enflamme. Elle attendait, comme elle l’a toujours fait. Droite et digne, plus rien ne pourrait encore gâcher son bonheur, son avenir. Elle repensa au garçon qu’elle avait rencontré la veille. Il l’avait rajouté dans ses contacts fb et visiblement, son surnom ne le dérangeait pas lui. Et, l’air de rien, elle était bien invitée le lendemain à un barbecue. Mercredi, elle commencera son tournage entre les dunes de Dunkerque. Son premier vrai tournage avec du matériel de pro.
C’était peut être tout simplement une nouvelle vie qui commençait.
Mais, en allant se coucher, elle ne put s’empêcher de songer : "Moi, j aime mon surnom facebook"
]]>Et puis tu reviens. Tu m’attires à nouveau vers toi. Tu dis que je te manque, tu m’attires dans un coin et tu me prends entre tes bras. Et puis tu repars et je n’ai plus de nouvelles de toi pendant des mois. Et alors que je t’oublie, que j’essaye de construire autre chose, tu reviens. Tu reviens toujours au moment où je m’y attends le moins, tu glisses deux, trois phrases et puis tu disparais.
J’en ai marre de ce jeu du chat et de la souris. Avant, il y a longtemps, il y a cinq ans, j’avais la conviction certaine qu’on aurait pu faire quelque chose. Mais tu as préféré faire ton Don Juan avec les autres filles. Et puis un jour après ce que j’appelle "la guerre des hérissons", ça a été mon tour.
J’étais un peu maladroite, un peu novice, un peu très nulle, mais ça a été mon plus beau moment de douceur et d’affection. Je n’oublierai jamais ce soir là. Le lendemain, t’avais un train à prendre et moi un avion. C’était la fin de notre adolescence et on avait une putain de trouille. Alors on a arrêté les frais et puis, on en a jamais plus reparlé. Le silence a duré trois mois. Je m’y étais fait. Je vivais quelque chose de nouveau, de dépaysant et je m’étais bien fait un raison. Mais, un jour, tu m’as rappelé.
Je te déteste. Tu as pris mon coeur de petite fille et tu ne me l’as jamais rendu. Ca fait quatre ans maintenant que j’essaye de retrouver le bonheur et je me perds dans des visages trop familiers. Je m’égare dans des villes qui ne sont pas les miennes. Je raye le nom de la tienne. La dernière fois qu’on s’est vus, j’ai fait une crise d’angoisse. Tu me criais dessus de toutes tes forces parce que je te demandais tout simplement de m’expliquer pourquoi tout ce bordel dans nos vies et tout ce que tu me disais c’est "pourquoi tu mets ces talons!" Comme si la découverte de ma nouvelle féminité te faisait peur.
Le matin où j’ai failli rater mon avion, j’ai décidé que tout ce cinéma, tout ça, c’était bidon. Qu’il fallait que ça s’arrête. Une nouvelle MOI était née. J’ai pris mon téléphone et j ai effacé ton numéro. Je me suis forcée pendant des semaines à arrêter de penser à toi. Je me suis forcée à ignorer mes rêves. A ignorer ma souffrance. J’ai fermé mon coeur et mes émotions aux autres. J’ai fait souffrir du beau monde et j’ai peu à peu appris à jouer. Comme toi. Et maintenant, je crois bien que ça te fait encore + flipper "Je ne sais pas quoi te dire..." , "J’ai envie de te parler mais je peux pas..", "Je n’oublierai jamais ce que tu as fait pour moi.."
Avant tu disais qu’on ressemblait trop mais que j''étais meilleure que toi. Tu avais peur, je m’en rappelle encore "A. j’ai peur du regard des autres sur moi" , tu avais peur de ce putain de regard qui te renvoyait une mauvaise image. On trainait tout le temps ensemble. On faisait du shopping et tu m’expliquais un peu les règles du lycée, ce nouveau monde dans lequel je venais d’atterrir à la M.. On faisait même du théâtre ensemble. Je crois bien qu’on se voyait trop. Tu m’as emmené dans des endroits bizarres à T. et on avait des projets de vacances plein la tête. Tu m’as guidé et tu as toujours cru en moi. Tu avais l’intime conviction que je pouvais faire quelque chose de grand dans ma vie. Tu m’as donné une putain d’inspiration et c’est encore elle qui me guide aujourd’hui.
"Si je peux le faire, tu peux le faire mais surtout si tu peux le faire alors je peux le faire"
On l’a eu. On l’a eu notre putain de bac. Sans oublier la mention. Je m’en rappelle encore, on était tous les deux à réviser comme des fous chez toi.
Et puis après quand on l’a eu, on l’a bien fêté. Je me rappelle de ces soirées de délire totale où on faisait bien la paire. Je me rappelle aussi d’un soir où tu m’as dit qu’un mec avait essayé de me tripoter alors que j’étais mal. Tu étais fou de rage. Tu criais partout que c’était inadmissible, et au fond de moi, ça me faisait plaisir.
Personne ne sait tout ça de nous. C’était y a longtemps et parfois quand j’y pense j’ai l’impression d’avoir rêvé. Rêver l’ami idéal puis l’avoir détruit de mes propres mains. Nous étions tellement jeunes et j’ai été vraiment trop conne avec toi. Faut dire que toi aussi, tu l’as été, sacrément con.
Aujourd’hui, on se parle pas mal. Mais ce n’est pas vraiment une priorité. J’ai tout fait pour que ce ne le soit pas. A un moment donné, tu as voulu faire de moi à nouveau ta confidente. C’était il y a deux ans. Puis on s’est rapproché à nouveau mais c’est plus comme avant.
Avant, je te comprenais. Maintenant, je subis. Si il se passe un truc entre nous tant mieux. Si il ne se passe rien alors, je te laisse mon coeur de petite fille. De toute façon, j’en ai plus besoin. Je m’en sors très bien tant qu’on ne me parle pas d’amour.
J’ai retrouvé une feuille dans un vieux sac que je n’avais surement pas touché depuis l’année du bac. Dessus il y a écrit "souris, c est pour ton bac" .
C’est ma madeleine de Proust.
Et puis tu reviens. Tu m’attires à nouveau vers toi. Tu dis que je te manque, tu m’attires dans un coin et tu me prends entre tes bras. Et puis tu repars et je n’ai plus de nouvelles de toi pendant des mois. Et alors que je t’oublie, que j’essaye de construire autre chose, tu reviens. Tu reviens toujours au moment où je m’y attends le moins, tu glisses deux, trois phrases et puis tu disparais.
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