Ma madeleine de Proust
Et puis tu reviens. Tu m’attires à nouveau vers toi. Tu dis que je te manque, tu m’attires dans un coin et tu me prends entre tes bras. Et puis tu repars et je n’ai plus de nouvelles de toi pendant des mois. Et alors que je t’oublie, que j’essaye de construire autre chose, tu reviens. Tu reviens toujours au moment où je m’y attends le moins, tu glisses deux, trois phrases et puis tu disparais.
J’en ai marre de ce jeu du chat et de la souris. Avant, il y a longtemps, il y a cinq ans, j’avais la conviction certaine qu’on aurait pu faire quelque chose. Mais tu as préféré faire ton Don Juan avec les autres filles. Et puis un jour après ce que j’appelle "la guerre des hérissons", ça a été mon tour.
J’étais un peu maladroite, un peu novice, un peu très nulle, mais ça a été mon plus beau moment de douceur et d’affection. Je n’oublierai jamais ce soir là. Le lendemain, t’avais un train à prendre et moi un avion. C’était la fin de notre adolescence et on avait une putain de trouille. Alors on a arrêté les frais et puis, on en a jamais plus reparlé. Le silence a duré trois mois. Je m’y étais fait. Je vivais quelque chose de nouveau, de dépaysant et je m’étais bien fait un raison. Mais, un jour, tu m’as rappelé.
Je te déteste. Tu as pris mon coeur de petite fille et tu ne me l’as jamais rendu. Ca fait quatre ans maintenant que j’essaye de retrouver le bonheur et je me perds dans des visages trop familiers. Je m’égare dans des villes qui ne sont pas les miennes. Je raye le nom de la tienne. La dernière fois qu’on s’est vus, j’ai fait une crise d’angoisse. Tu me criais dessus de toutes tes forces parce que je te demandais tout simplement de m’expliquer pourquoi tout ce bordel dans nos vies et tout ce que tu me disais c’est "pourquoi tu mets ces talons!" Comme si la découverte de ma nouvelle féminité te faisait peur.
Le matin où j’ai failli rater mon avion, j’ai décidé que tout ce cinéma, tout ça, c’était bidon. Qu’il fallait que ça s’arrête. Une nouvelle MOI était née. J’ai pris mon téléphone et j ai effacé ton numéro. Je me suis forcée pendant des semaines à arrêter de penser à toi. Je me suis forcée à ignorer mes rêves. A ignorer ma souffrance. J’ai fermé mon coeur et mes émotions aux autres. J’ai fait souffrir du beau monde et j’ai peu à peu appris à jouer. Comme toi. Et maintenant, je crois bien que ça te fait encore + flipper "Je ne sais pas quoi te dire..." , "J’ai envie de te parler mais je peux pas..", "Je n’oublierai jamais ce que tu as fait pour moi.."
Avant tu disais qu’on ressemblait trop mais que j''étais meilleure que toi. Tu avais peur, je m’en rappelle encore "A. j’ai peur du regard des autres sur moi" , tu avais peur de ce putain de regard qui te renvoyait une mauvaise image. On trainait tout le temps ensemble. On faisait du shopping et tu m’expliquais un peu les règles du lycée, ce nouveau monde dans lequel je venais d’atterrir à la M.. On faisait même du théâtre ensemble. Je crois bien qu’on se voyait trop. Tu m’as emmené dans des endroits bizarres à T. et on avait des projets de vacances plein la tête. Tu m’as guidé et tu as toujours cru en moi. Tu avais l’intime conviction que je pouvais faire quelque chose de grand dans ma vie. Tu m’as donné une putain d’inspiration et c’est encore elle qui me guide aujourd’hui.
"Si je peux le faire, tu peux le faire mais surtout si tu peux le faire alors je peux le faire"
On l’a eu. On l’a eu notre putain de bac. Sans oublier la mention. Je m’en rappelle encore, on était tous les deux à réviser comme des fous chez toi.
Et puis après quand on l’a eu, on l’a bien fêté. Je me rappelle de ces soirées de délire totale où on faisait bien la paire. Je me rappelle aussi d’un soir où tu m’as dit qu’un mec avait essayé de me tripoter alors que j’étais mal. Tu étais fou de rage. Tu criais partout que c’était inadmissible, et au fond de moi, ça me faisait plaisir.
Personne ne sait tout ça de nous. C’était y a longtemps et parfois quand j’y pense j’ai l’impression d’avoir rêvé. Rêver l’ami idéal puis l’avoir détruit de mes propres mains. Nous étions tellement jeunes et j’ai été vraiment trop conne avec toi. Faut dire que toi aussi, tu l’as été, sacrément con.
Aujourd’hui, on se parle pas mal. Mais ce n’est pas vraiment une priorité. J’ai tout fait pour que ce ne le soit pas. A un moment donné, tu as voulu faire de moi à nouveau ta confidente. C’était il y a deux ans. Puis on s’est rapproché à nouveau mais c’est plus comme avant.
Avant, je te comprenais. Maintenant, je subis. Si il se passe un truc entre nous tant mieux. Si il ne se passe rien alors, je te laisse mon coeur de petite fille. De toute façon, j’en ai plus besoin. Je m’en sors très bien tant qu’on ne me parle pas d’amour.
J’ai retrouvé une feuille dans un vieux sac que je n’avais surement pas touché depuis l’année du bac. Dessus il y a écrit "souris, c est pour ton bac" .
C’est ma madeleine de Proust.
Et puis tu reviens. Tu m’attires à nouveau vers toi. Tu dis que je te manque, tu m’attires dans un coin et tu me prends entre tes bras. Et puis tu repars et je n’ai plus de nouvelles de toi pendant des mois. Et alors que je t’oublie, que j’essaye de construire autre chose, tu reviens. Tu reviens toujours au moment où je m’y attends le moins, tu glisses deux, trois phrases et puis tu disparais.